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Pense bête
29 mai 2013

Mon premier licenciement (3)

Après le rendez-vous avec l'avocat, sur ses conseils, nous avons établi notre stratégie pour l'entretien préalable. Nous savons ce que nous voulons dire et surtout ce que nous voulons pas dire.

Théâtre et jeu de dupes, tel était le thème de cet entretien préalable à licenciement.

Nous sommes quatre : le Directeur Général, Guillaume, son chef et moi. Aucune trace de la responsable des ressources humaines. Chacun s'assoit et le DG introduit l'entretien en rappelant le cadre légal. Nous sommes ici pour étudier la possibilité de licenciement de Guillaume. Il va expliquer ce qui le pousse à envisager une telle extrémité. Il est prêt à écouter les réponses et explications de Guillaume. Il aura ensuite un délai de réflexion minimum de 48 heures avant de prendre une décision ; cette décision ne pouvant être prise plus d'un mois après l'entretien.

Sur le bureau, quatre pochettes nous attendent. Je ne les remarque pas tout de suite. Le DG va les passer en revue pendant l'entretien, l'une après l'autre. Dans chacune d'elle, un reproche.

Le DG ouvre la première pochette : elle contient deux photos et un échange de mails. Sur les photos on peut voir, un banc de test avec des fils qui reposent sur le sol. Conclusion du DG : Guillaume se met en danger et met en danger ses collègues.

Deuxième pochette, deuxième reproche. Cette nouvelle pochette contient des extraits de l'outil où Guillaume pointe ses heures. Sur un projet, Guillaume a passé, d'après cet outil, 248 heures (contre 111 heures qui étaient prévues).

Troisième pochette : des mails, on varie les plaisirs. Ils montrent, selon le DG, que Guillaume n'a pas été suffisamment réactif à une demande urgente de nos collègues anglais.

Quatrième et dernière pochette : encore des photos. On y voit une armoire où il manquer la serrure et le barillet. Guillaume est accusé d'avoir forcé cette armoire qui ne lui appartient pas pour récupérer des documents qu'il avait rangés dedans.

C'est à la fois totalement déséquilibré et ridicule. Totalement déséquilibré puisqu'on ne sait pas quels sont les éléments que la direction a en main, quels sont les dossiers qui vont sortir. Ridicule quand on découvre, au fur et à mesure, les pièces du dossier, partielles et partiales nécessairement, puisque par exemple les mails en la possession du DG ne sont que ceux dont lui ou le responsable de Guillaume sont en copie. C'est à cet instant qu'on comprend mieux la stratégie préconisée par l'avocat : ne pas rentrer dans une argumentation face aux accusateurs et contester.

Si bien que la défense de Guillaume n'est plus l'objet de l'entretien. Ce qui compte c'est d'entendre la Direction justifier comme elle peut le licenciement à venir.

"La violence elle est bavarde. Elle a besoin de justification, de légitimation, elle doit expliquer pourquoi elle a raison de faire ce qu'elle fait contre les évidences" disait Grégoire Chamayou dans un entretien avec Judith Bernard, dans un autre contexte, à propos de la violence des drones. On ne saurait dire mieux.

A présent, on attend la lettre de licenciement.


Concours de circonstance, Rue89 publie cet article : comment virer un salarié sans peine en trois étapes.

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