Mon premier licenciement (2)
Vendredi, 11h45 : le Directeur Général vient dans mon service et demande à me voir. "Je viens de parler avec Guillaume et je lui ai dit que je voulais le voir quitter les lieux à 12h30. Il m'a dit qu'il devait te voir. Si c'est le cas, tu peux le voir maintenant". Je découvre la violence du licenciement. C'est donc certain, ils ne reviendront pas sur leur décision. Et en plus il recommande, fermement, de ne plus mettre les pieds à la boîte.
Incompréhensible et inutilement violent. Il joue les gros bras, roule des mécaniques et en même temps joue le mec outré : "je ne peux pas l'obliger à ne pas venir au bureau mais s'il y est qu'il travaille". Mais c’est de peur qu’il s’agit. Peur que la rumeur ne se diffuse à l’ensemble des salariés, peur que Guillaume communique avec ses collègues, peur qu'il ait le temps de rassembler des éléments contre son chef et la direction. "Là je le vois beaucoup discuter, parler au téléphone et ça commence à bien faire. Ca pourrait rendre la situation encore pire pour lui". Des menaces, presque...
Et c’est terrible car il arrive à semer le doute. S’il le prend sur ce ton, ne serait-ce pas parce que Guillaume a commis une faute ? Et s’il se jouait de nous et qu’il s’était tourné vers nous uniquement pour bénéficier de notre avocat ? Et après tout qu'importe.
Une vision chasse vite ces pensées. Il est 12h15 : Guillaume traverse les couloirs les bras chargés de 10 années passées dans la société. C'en est définitivement fini pour lui ici. Il regarde devant lui, ne se retourne pas. Personne n’y prête attention car peu de monde sait. J’ai l’impression de revoir les images américaines du début de la crise des subprimes. A cette époque sur les seules images qu'on savait nous montrer, on y voyait ces Américains carton sous le bras quitter leur société.
Guillaume s’en va. Presque personne n’est au courant. J’ai envie de le crier sur les toits : « il est viré, soutenez-le, ayez un mot gentil, un regard ! tout mais pas l’indifférence. » Elle est là aussi la violence.
Je vois donc Guillaume en vitesse. 30 secondes pour caler le rendez-vous de l'après-midi chez l'avocat.