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Pense bête
19 mars 2020

Etat d'urgence sanitaire

Suivant la décision du gouvernement, le projet de loi comportait les articles permettant de repousser le second tour des élections municipales, il fallait donc le voter très rapidement, pour ne pas dire dans l'urgence. Oui mais il y avait également les mesures instaurant l'état d'urgence sanitaire (avec restriction des libertés individuelles) et les mesures autorisant le gouvernement à prendre des ordonnances pour faire un peu ce qu'il veut (en particulier en matière de droit du travail).

Le projet de loi est donc passé à l'Assemblée nationale et au Sénat puis publié sous le nom de loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

Ce texte de loi est divisé en 3 parties. Une première partie (titre I) met en place l'état d'urgence sanitaire.

L'article 2 instaure l'état d'urgence sanitaire.

L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain [...] en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population.
L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques.
L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l'état d'urgence sanitaire. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures.
La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19.

L'article 4 définit la durée et les conditions de prorogation de l'état d'urgence sanitaire :

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 3131-13 du code de la santé publique, l'état d'urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
L'état d'urgence sanitaire entre en vigueur sur l'ensemble du territoire national. Toutefois, un décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé peut en limiter l'application à certaines des circonscriptions territoriales qu'il précise.
La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au delà de la durée prévue au premier alinéa du présent article ne peut être autorisée que par la loi.
Il peut être mis fin à l'état d'urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l'expiration du délai fixé au même premier alinéa.

La deuxième partie (titre II) définit les "mesures d'urgence économique et d'adaptation à la lutte contre l'épidémie de Covid-19".

L'article 11 habilite l'exécutif à légiférer par ordonnances pour des dérogations massives au droit en vigueur dans de multiples domaine. La suite des mesures seront donc prises par le gouvernement, sans que le parlement n'ait son mot à dire. Tout ce qui sera décidé par ordonnance, pourra être modifié par ordonnance, toujours sans l'aval du parlement (en particulier par exemple : la date de fin des mesures dérogatoires est dans les mains exclusives de l'exécutif qui n'a pas voulu mettre de date limite dans le texte de loi).

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi et, le cas échéant, à les étendre et à les adapter aux collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution  :
1° Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi, en prenant toute mesure :
b) En matière de droit du travail, de droit de la sécurité sociale et de droit de la fonction publique ayant pour objet :
d) Adaptant, aux seules fins de limiter la propagation du covid‑19 parmi les personnes participant à ces procédures, les règles relatives au déroulement des gardes à vue, pour permettre l’intervention à distance de l’avocat et la prolongation de ces mesures pour au plus la durée légalement prévue sans présentation de la personne devant le magistrat compétent, et les règles relatives au déroulement et à la durée des détentions provisoires et des assignations à résidence sous surveillance électronique, pour permettre l’allongement des délais au cours de l’instruction et en matière d’audiencement, pour une durée proportionnée à celle de droit commun et ne pouvant excéder trois mois en matière délictuelle et six mois en appel ou en matière criminelle, et la prolongation de ces mesures au vu des seules réquisitions écrites du parquet et des observations écrites de la personne et de son avocat ;
g) Permettant de reporter ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels, de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non‑paiement de ces factures, au bénéfice des très petites entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ;

Cet article aggrave également les sanctions encourues en cas de non respect des différentes mesures de confinement (en particulier peine de 6 mois de prison en cas de récidive afin de permettre des comparutions immédiates).

La violation des autres interdictions ou obligations édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l'objet de la procédure de l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 du code de procédure pénale. Si cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l'amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
Si les violations prévues au troisième alinéa du présent article sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende.

Enfin le titre III traite des dispositions électorales afin de reporter le second tour des élections municipales et de cadrer son organisation.

Article 19 : report des élections

Lorsque, à la suite du premier tour organisé le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, un second tour est nécessaire pour attribuer les sièges qui n'ont pas été pourvus, ce second tour, initialement fixé au 22 mars 2020, est reporté au plus tard en juin 2020, en raison des circonstances exceptionnelles liées à l'impérative protection de la population face à l'épidémie de covid-19. Sa date est fixée par décret en conseil des ministres, pris le mercredi 27 mai 2020 au plus tard si la situation sanitaire permet l'organisation des opérations électorales au regard, notamment, de l'analyse du comité de scientifiques institué sur le fondement de l'article L. 3131-19 du code de la santé publique.

Quelques sources complémentaires :

https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/document-etat-d-urgence-sanitaire-libertes-individuelles-municipales-ce-que

https://www.dalloz-actualite.fr/flash/coronavirus-volet-social-du-projet-de-loi-d-urgence-sanitaire#.XnYISLffuyV

https://twitter.com/clochix/status/1240381453252296704

https://twitter.com/malopedia/status/1240351014076780545


Ce sont donc 25 (!!) ordonnances qui ont été prises par l'exécutif dans le cadre de ce projet de loi.

Lors de l'examen du projet de loi au parlement, à aucun les ministres n'ont souhaité préciser une date de fin des mesures d'ordonnance prises par le gouvernement. Il y a cependant bien une date limite dans les ordonnances, en particulier dans l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos. Par exemple :

"Les dérogations mises en œuvre sur le fondement de cet article cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2020."

Oui mais : avec une date limite dans les ordonnances (et non dans le texte de loi), cette date est exclusivement dans les mains du gouvernement. Ce qui a été décidé par ordonnance, peut être modifié par ordonnance sans consultation ou vote du parlement. On s'interroge donc légitimement sur la sincérité du gouvernement.

Article 1

Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19, par dérogation aux sections 2 et 3 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail et aux stipulations conventionnelles applicables dans l'entreprise, l'établissement ou la branche, un accord d'entreprise, ou, à défaut, un accord de branche peut déterminer les conditions dans lesquelles l'employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d'un jour franc, à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l'ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés.
L'accord mentionné au premier alinéa peut autoriser l'employeur à fractionner les congés sans être tenu de recueillir l'accord du salarié et à fixer les dates des congés sans être tenu d'accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise.
La période de congés imposée ou modifiée en application du présent article ne peut s'étendre au-delà du 31 décembre 2020.


Article 2

Lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, et par dérogation à l'accord ou à la convention collective instituant un dispositif de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en application de la loi du 20 août 2008 susvisée ou un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des dispositions prévues aux articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail, l'employeur peut, sous réserve de respecter un délai de prévenance d'au moins un jour franc :
1° Imposer la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos au choix du salarié acquis par ce dernier ;
2° Modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos.
La période de prise des jours de repos imposée ou modifiée en application du présent article ne peut s'étendre au-delà du 31 décembre 2020.

Article 5

Le nombre total de jours de repos dont l'employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date en application des articles 2 à 4 de la présente ordonnance ne peut être supérieur à dix.

Article 6

Dans les entreprises relevant de secteurs d'activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret et, le cas échéant, par dérogation aux stipulations conventionnelles applicables :
1° La durée quotidienne maximale de travail fixée à l'article L. 3121-18 du code du travail peut être portée jusqu'à douze heures ;
2° La durée quotidienne maximale de travail accomplie par un travailleur de nuit fixée à l'article L. 3122-6 du code du travail peut être portée jusqu'à douze heures, sous réserve de l'attribution d'un repos compensateur égal au dépassement de la durée prévue à ce même article ;
3° La durée du repos quotidien fixée à l'article L. 3131-1 du code du travail peut être réduite jusqu'à neuf heures consécutives, sous réserve de l'attribution d'un repos compensateur égal à la durée du repos dont le salarié n'a pu bénéficier ;
4° La durée hebdomadaire maximale fixée à l'article L. 3121-20 du code du travail peut être portée jusqu'à soixante heures ;
5° La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives fixée à l'article L. 3121-22 du code du travail ou sur une période de douze mois pour les exploitations, entreprises, établissements et employeurs mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 et aux 2°, 3° et 6° de l'article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime et ayant une activité de production agricole, peut être portée jusqu'à quarante-huit heures ;
6° La durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de douze semaines consécutives fixée à l'article L. 3122-7 du code du travail peut être portée jusqu'à quarante-quatre heures.
Les dérogations mises en œuvre sur le fondement de cet article cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2020.

Article 7

Sans préjudice des dispositions de l'article L. 3132-12 du code du travail, les entreprises relevant de secteurs d'activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret, peuvent déroger à la règle du repos dominical fixée à l'article L. 3132-3 du même code en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.
Cette dérogation s'applique également aux entreprises qui assurent à celles mentionnées au premier alinéa des prestations nécessaires à l'accomplissement de leur activité principale.
Les dérogations mises en œuvre sur le fondement de cet article cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2020.

Autre ordonnance prise par le gouvernement (et en l'occurrence ici par Bruno Lemaire, ministre de l'économie et des finances), une ordonnance relative à l'adaptation des délais et des procédures applicables à l'implantation ou la modification d'une installation de communications électroniques. Que permet cette ordonnance ? Elle autorise l'installation d'antennes sans autorisation préalable. Tout est expliqué dans cet article de Laury-Anne Cholez sur Reporterre.

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