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Pense bête
20 juillet 2011

Malfaçons au FMI

Dans un rapport publié en mai 2011, le bureau indépendant d'évaluation du FMI critique ouvertement les méthode utilisées par le FMI.

Créé en 2001 le bureau indépendant d'évaluation est chargé d'évaluer l'action de l'institution. Sur son site internet, il est précisé qu'il est "totalement indépendant de la direction du FMI et fonctionne sans lien de dépendance avec le Conseil d'administration".

Il s'était déjà fait (discrètement) remarquer en février 2011 en publiant un rapport critiquant l'aveuglement du FMI sur la crise économique, aveuglement par excès de croyance libérale. Rien que le résumé introductif du rapport d'évaluation fait froid dans le dos (les caractères en gras sont de moi) :

La présente évaluation porte sur la surveillance du FMI durant la période qui a mené à la crise financière et économique mondiale ; elle comporte des recommandations sur les moyens de renforcer la capacité du FMI à déceler les risques et facteurs de vulnérabilité, et à mettre les pays membres en alerte à l’avenir. Il ressort de l’évaluation que le FMI a donné peu d’avertissements précis concernant les signes avant-coureurs des risques et des facteurs de vulnérabilité de la crise qui allait éclater. Le message constamment répété fut celui d’un optimisme permanent après plus de dix ans de conditions économiques favorables et de faible volatilité macroéconomique. Dans la surveillance bilatérale des États-Unis et du Royaume-Uni, le FMI a largement entériné des politiques et des pratiques financières considérées comme propices à l’accélération de l’innovation financière et à la croissance économique. Le postulat selon lequel les marchés financiers étaient foncièrement sains et les grandes institutions financières aptes à surmonter tout problème, quel qu’il soit, a masqué l’urgence qu’il y avait à traiter ces risques ou à prendre garde à la gravité des conséquences. La surveillance a aussi négligé les risques de contagion ou de propagation d’une crise naissant dans les pays avancés. Ces pays n’ont pas été inclus dans l’exercice d’évaluation de la vulnérabilité lancé après la crise asiatique, en dépit de discussions internes et des appels de membres du Conseil d’administration et d’autres observateurs à cet effet.
Certains des risques qui se sont concrétisés avaient été signalés à différentes reprises dans le Rapport sur la stabilité financière dans le monde, mais présentés en des termes très généraux et sans évaluation de l’ampleur des problèmes, ils ont été sous estimés dans les perspectives générales optimistes qui ont suivi.
Ces risques n’ont pas été répercutés dans les Perspectives de l’économie mondiale ni dans les prises de position publiques du FMI. Celui-ci a bien souligné qu’il était impératif de corriger les profonds déséquilibres des soldes des transactions courantes dans le monde qui risquaient, de son point de vue, de provoquer une baisse rapide et forte du dollar, prémices d’une récession mondiale. Mais le FMI n’a pas relié ces déséquilibres aux risques systémiques qui s’accumulaient dans les systèmes financiers.
L’aptitude du FMI à détecter les facteurs de vulnérabilité et les risques majeurs, puis à en alerter les pays membres a été amoindrie par la combinaison de multiples facteurs complexes, dont plusieurs avaient été signalés auparavant, mais n’avaient pas été traités en profondeur. La capacité du FMI à cerner avec précision les risques émergents a été entravée par l’idée répandue, captive d’un même postulat intellectuel et d’un certain état d’esprit, qu’une crise majeure dans les grands pays industriels était peu probable, et par l’inadéquation des méthodes d’analyse. Les insuffisances de la gouvernance interne, l’absence d’incitations à un travail collectif et à émettre des points de vue contraires, ainsi qu’une procédure de revue qui ne permettait pas de faire le lien entre des éléments apparemment disparates ou de veiller à un suivi adéquat, ont aussi joué un rôle non négligeable, sans oublier les contraintes politiques qui ont pu aussi avoir un certain impact.
Le FMI a d’ores et déjà pris des mesures pour remédier à certains de ces facteurs, mais pour rendre la surveillance plus efficace, il est indispensable de préciser les rôles et les compétences du Conseil d’administration, de la direction et des services du FMI, et d’établir un cadre précis de responsabilisation. Il appartient dorénavant au FMI de : i) créer un environnement qui encourage la franchise et l’expression d’avis contradictoires; ii) revoir les incitations à «faire usage de franc-parler vis-à-vis de l’autorité»; iii) mieux intégrer l’analyse des enjeux macroéconomiques et des questions afférentes au secteur financier; iv) dépasser l’esprit et la culture du cloisonnement; v) diffuser un message clair et cohérent sur les perspectives économiques mondiales et les risques qui les accompagnent.

Ce nouveau rapport d'évaluation, traitant de la période 1999-2008, enfonce le clou en formulant plusieurs critiques. Les conclusiosn du FMI souffrent parfois de biais idéologiques (point 33) : "many of the papers seemed to have ideological biases". Le FMI ne prend pas assez en compte les contextes institutionnels locaux (point 36) : "lack of early consultation with country authorities on research themes and by lack of sufficient country and institutional context". Mais une des plus forte critique est celle exprimée au point 43 :

A related survey question was: “How frequently have you felt that your own research and its conclusions had to be aligned with IMF views?” Sixty-two percent of all staff respondents reported that their research and its conclusions had to be aligned with IMF views “very frequently” or “somewhat frequently” (Figure 5). This view was reinforced in interviews, in which more than half the staff interviewed said that they had themselves experienced, or knew of instances in which research findings were adjusted to what was perceived as the institutional view on a subject. In follow-up interviews, staff pointed out that it was to be expected that SIPs and WEO/GFSR/REO chapters would not contain contrarian perspectives, because those products were perceived as reflecting the IMF’s view. They also said that it was easier to present contrarian views in a WP because these papers were understood to reflect the views of their authors (even though many external audiences also perceived WPs as reflecting the IMF’s views). Some noted that self-censorship was an easier course and frequently occurred.

On y apprend ainsi que 62% des 714 économistes du FMI ayant répondu au questionnaire ont "très fréquemment" ou "assez fréquemment" contraints d'aligner leurs recherches et leurs conclusions sur les positions du FMI.

Il faut lire ces rapports pour réaliser à quel point le FMI ne mesure (et ne souhaite pas mesurer) en rien les risques que nous font courir le capitalisme financier. Une réforme d'envergure est plus que jamais nécessaire.

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