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Pense bête
1 juillet 2010

Jusque dans nos bras

Je suis de la génération qui vivra plus mal que ses parents, je suis de la génération qui n'est pas née avec Internet mais qui a grandi avec lui, a atteint la maturité avec lui, j'ai un lien si tendre avec Internet.

Je suis de la génération du terrorisme international, je suis de la génération de la mondialisation, je suis de la génération qui ne rêve plus d'Hollywood mais de Londres, Paris, Tokyo, Singapour, je suis de la génération des traders privés de tours jumelles.

Je suis de la génération qui a rêvé Isla Moda, et la solution scientifique à l'exigence bien naturelle de disposer d'une piscine à bord d'un Airbus, je suis de la génération des rapatriés en charter, je suis de la génération du bling-bling et des Patek Philippe.

Je suis de la génération qui a perdu Bertrand Cantat et découvert la Lituanie par la même occasion.

Je suis de la génération des geeks et des otakus qui ne connaissent plus le manuscrit et qui découvrent le livre électronique.

Je suis de la génération qui grandit avec des faux seins, un faux nez et un hymen recousu si je veux, je suis de la génération du Loft, de Survivor, de Secret Story et du Maillon faible.

Je suis de la génération du retour à l'ordre après 68, je suis de la génération qui a tenté d'imiter 68, je suis de la génération qui rêve dès que reviens le moi de mai, je suis de la génération qui ne sait plus où se situent les classes qui sont censées lutter.

Je suis de la génération qui ne fait plus d'enfants mais qui ne met plus systématiquement de capotes, et pourtant je suis de la génération qui est née avec le sida, je suis de la génération qui n'a jamais connu le safe sex, je suis de la génération qui baise avec du caoutchouc et l'hymen recousu, je suis de la génération qui n'a plus honte de se rencontrer sur Meetic, je suis de la génération qui n'a plus honte de se marier sur Meetic, je suis de la génération qui vend ses sex tapes sur www.sextapes.com en espérant gagner les 5000 dollars que promet le site Internet, je suis de la génération qui se traîne en procès pour récupérer les bénéfices des vidéos.

Je suis de la génération que l'on oblige à être écolo pour tous ceux qui ne l'ont pas été, je suis de la génération à qui l'on demande de retourner chier dans la sciure et de ne plus prendre de bains, je suis de la génération qui trouve que les éoliennes sont belles et qui enterre ses maisons sous le sol, je suis de la génération qui n'aura plus de pétrole alors qu'elle commence à peine à s'amuser avec les low-cost.

Je suis de la génération qui a fêté ses dix ans pendant le génocide rwandais.

Je suis de la génération qui aime acheter des tapis de souris.

Je suis de la génération qui a vu toutes les capitales d'Europe.

Je suis de la génération de la fin des records sportifs, à moins d'avoir recours à la cryogénisation.

Je suis de la génération qui s'appauvrit, je suis de la génération qui paie les retraites, je suis de la génération qui apprend à avoir peur des vieux, je suis de la génération qui perd ses fonctionnaires, je suis de la génération à qui on brandit le modèle scandinave, je suis de la génération qui a honte de faire des fautes en anglais puisque ce n'est plus une langue étrangère pour personne, je suis de la génération qui passe à droite par désespoir devant le paysage de gauche, je suis de la génération devant qui on démantèle l'Etat providence, je suis de la génération travailler plus pour gagner plus, je suis de la génération mal conseillé par les conseillers d'orientation, je suis de la génération des hedge funds et de Jérôme Kerviel, je suis de la putain de génération où l'on peut perdre 5 milliards en passant une porte et faire semblant qu'on n'a rien vu - Excusez-moi vous n'auriez pas vu cinq milliards ? J'ai dû les perdre en sortant. Non ? Sûr ?

Je suis de la génération d'Outreau et de la vérité qui ne sort plus de la bouche des enfants.

Je suis de la génération de Beckham, de l'anorexie, des paparazzis, des stars qui sortent sans culotte et qui ne mettent pas de ceinture de sécurité à leurs enfants, je suis de la génération des taches de sperme sur les robes des stagiaires qui s'adressent solennellement à l'Amérique.

Je suis de la génération des premières dames qui sortent des disques, je suis de la génération d'Eurodisney.

Je suis de la génération de la loi Evin, je suis de la génération de la vodka-Red Bull.

Je suis de la génération des iPod, des iPhones, des clés USB, du Wi-Fi, de MSN, je suis de la génération qui compte ses amis sur Facebook, je suis de la génération qui se poke.

Je suis de la génération qui se stérilise à force d'essayer d'avoir des enfants à quarante ans.

Je suis de la génération qui a redécouvert le poker, je suis de la génération qui découvrira peut-être toutes les propriétés itrinsèques de la matière noire, je suis de la génération que ça n'impressionne plus d'aller sur la Lune.

Je suis de la génération qui n'a pas encore tranché si Paris Jilton est oui ou non bonasse.

Je suis de la génération de la crise des subprimes.

Je suis de la génération du réchauffement climatique et des documentaires larmoyants sur le sort des ours blancs et des calottes polaires.

je suis de la génération qui ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais l'inverse serait souhaitable et puis et puis je suis de la génération qui conduit des scooters, qui volent des scooters, qui peut payer des tests d'ADN pour retrouver des scooters, je suis de la génération des 17 millions de personnes qui lisent de la presse people en France, et surtout je suis de la génération à qui on ne cesse de répéter qu'elle vivre plus mal qu'elle vivra moins bien que, je suis de la génération du chômage, de la bulle immobilière, du camp de Sangatte, du Showcase, de la naturalisation monégasque, de la fuite des capitaux, du bouclier fiscal, de l'abolition des 35 heures, de la prime des transports, de la loi Edvige et de l'interdiction de coups de téléphone sur simple soupçon que j'appartiens à une bande organisée, à une génération sans ordre, à la génération qui a perdu Kurt Cobain mais à qui on répète qu'elle peut gagner la bataille du pouvoir d'achat.

Ça commence ça. Et ça, c'est le deuxième roman d'Alice Zeniter, 23 ans. Il est titré Jusque dans nos bras, j'y entends les soldats égorgeant fils et compagnes et c'est un peu de ça qu'il s'agit.

C'est une histoire d'amitié entre la narratrice et Mad, un ami d'enfance malien, qui va les conduire à contracter un mariage blanc.

Pas d'histoire d'amour ici, mais une histoire d'amitié, un regard sur une génération, une rage et une lutte pour trouver sa place et agir sur la société.

Pour voir Alice Zeniter en entretien avec Judith Bernard D@ns le texte, c'est ici que ça se passe.

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Commentaires
C
vOUS ALLEZ EN CREVER....
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1
elle fait son adolescence en retard, Alice?<br /> elle a oublié l'objectivité, la nuance et l'optimisme en route, aussi...
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