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Pense bête
14 mai 2010

Haute Silésie

Après une autre longue journée de train nous descendons à Kattowitz, en Haute Silésie, Pologne, de là en camion à Blechhammer.

 
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Notre gardien nous remet à l'Arbeitsamt de l'usine IG Farben et disparaît. Ce site industriel de l'IG Farben est immense, une atmosphère d'acidité prend à la gorge. Beaucoup plus tard en passant à Feysin, au sud de Lyon, je retrouverai en modèle réduit ce site déshumanisé de Blechhammer. Cette vaste usine se trouve au centre d'une grande forêt de pins et sapins près du village de Blechhammer qui semble vidé de ses habitants, se trouvent des dizaines de baraquements formant plusieurs camps : Wiesenlager, Dorflager, Birkenau, Waldlager, Mädchenlager.

Blechhammer_north

Tous ces camps se trouvent dans le périmètre d'Auschwitz de sinistre réputation mais qui en réalité allaient bien au-delà de ce que nous savions. A peu près toutes les nations européennes, surtout des hommes mais aussi des femmes, sont présents dans ces camps, des prisonniers de guerre français, russes, italiens, anglais, des travailleurs français, polonais, hongrois, chypriotes, il y aurait 20 000 personnes, hommes et femmes, dans l'ensemble de ces camps. Les armées soviétiques sont à 120 kilomètres en position statique depuis plusieurs mois, le long de la Vistule, selon les rumeurs nombreuses et souvent contradictoires.

 

 


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Une cuisine centrale alimente plusieurs camps, nous côtoyons le plus souvent les Italiens. Tôt le matin, il faut faire la queue dans le froid (adieu la douceur du climat des Sudètes) avec son quart, sa gamelle pour les pommes de terre et souvent du chou, on reçoit tout le matin, le pain, la margarine, un peu de confiture, du wurtz, le soir c'est souvent soupe aux choux plutôt claire. Quelle différence avec Komotau ! La vie ici est beaucoup plus dure. Une épicerie est ouverte à midi où l'on peut se procurer diverses denrées moyennant finances bien sûr. Je suis affecté au Wiesenlager où sont la plupart des Français, dan une baraque de quinze avec les couchages sur des châlits de trois couchettes, c'est une installation encore plus spartiate qu'à Komotau, de petites armoires métalliques pour nos vêtements qui accusent la fatigue, une table et quelques chaises, au centre de la pièce un poêle à charbon qui marche bien heureusement car dans ce pays minier où il fait froid le charbon ne fera jamais défaut. La coexistence des uns et des autres dans ces conditions est bien difficile, impossible de s'isoler.

Dans ces camps règne un marché noir florissant, troc, trafic en tout genre, comme je ne fume pas ma ration de tabac hebdomadaire me permet de négocier savon, chocolat, Nescafé. Les Italiens et les Français semblent les mieux organisés, les plus solidaires, des amicales se sont constituées organisant des tournois de foot, de belote, de courses à pied pour les plus vaillants. Ces amicales s'adressent aux directeurs, réclament des douches plus nombreuses, des salles de réunion, des bibliothèques.

Un groupe de huit musiciens français se produit de temps en temps, dans le style jazz modéré, je dirais francisé, car la référence à la musique américaine n'est plus dans l'air du temps, le style musette, valse, airs de Charles Trenet. Je me fais connaître et M. Nano, qui anime la troupe, en pétulant méridional, a vite fait de me trouver un saxo alto. Je déménage et habite une baraque de 12 occupants avec des châlits doubles cette fois, toujours des paillasse et les inévitables punaises, mais l'ensemble est moins spartiate et l'ambiance plus chaleureuse. Tous les musiciens sous le même toit, cela facilite les répétitions.

Je réalise que la mesure d'éloignement qui m'a frappé n'a rien de ponctuel, cela avait été évoqué au début, mais qu'il s'agit bien d'une mesure répressive, la vie ici et les conditions de travail sont plus dures, à Komotau notre mollesse au travail, nos stations trop fréquentes aux toilettes et surtout nos tentatives de freiner, voire saboter la production méritaient une sanction.

Isolés en pleine forêt nous ne sommes pas derrière les barbelés mais sans moyen de transport, atteindre des villes comme Brelau, Oppeln ou Kattowitz est presqu'impossible, la police aidée des SS est partout présente, ici c'est la vie des camps cela n'a aucun rapport avec une ville moyenne comme Komotau, avec sa population tchèque d'origine, mais là encore il faut s'adapter avec cette volonté farouche propre aux humains et aussi aux animaux probablement de préserver son coin de ciel bleu quelles que soient les circonstances.

Les conditions de travail, elles, sont dures, très dures mêmes, nous travaillons en moyenne dix heures par jour sous un hangar largement ouvert à tous les vents. -12°C ou -15°C sont des températures moyennes en Haute Silésie en hiver. Les matins surtout sont pénibles avec dans le ventre un petit petit-déjeuner, il faut assembler et river des ferrures sur de courtes poutrelles de fer qui seront utilisées pour des ponts roulants, la ferraille, les outils, tout est glacé, il y a un brasero dans un coin du hangar, c'est là que se tient le chef d'équipe, surveillant la douzaine de travailleurs et leur rendement. L'un après l'autre nous allons furtivement près du brasero nous chauffer un instant mais ce n'est qu'une courte émission, le froid reprend vite ses morsures.

Mon chef d'équipe est un grand Polonais constamment sous pression. Piéroné est le surnom que nous lui avons donné car il répète ce juron intraduisible à longueur de journée. Je ne connais rien de plus détestable que ces chefaillons zélés et braillards plus nazis que les Nazis. Il ne paraît pas réaliser que les tonnes de haine qu'il entretient par ses excès, des ouvriers polonais se promettent de s'occuper de lui dès que l'occasion favorable se présentera.

Je suis sans nouvelle de ma famille depuis plusieurs mois, j'écris chaque semaine mais j'apprendrai plus tard que mes parents sont restés quatorze mois sans nouvelle.

Au début de l'hiver, les bombardements américains s'intensifient, à peu près deux fois par semaine vers minuit les sirènes retentissent, il faut vite se lever dans le froid et rejoindre l'abri le plus proche, un petit pont, sous un épais talus nous paraît suffisant durant plusieurs nuits, mais devant la puissance des bombes soufflantes il est préférable d'aller plus loin rejoindre un bunker solidement bétonné, c'est d'abord le ronflement sourd et continu de la première vague de bombardiers puis le miaulement strident, déchirant, assourdissant des bombes et l'explosion, c'est l'enfer, le bunker tangue sur ses fondations comme une barque sur une vague, serrés comme des sardines, sans lumières, des poussières de ciment tombent du plafond, mais nous sommes indemnes.

D'autres vagues se succèdent, les super-bombardiers volent à dix mille mètres hors d'atteinte de la DCA, quant à la précision sur l'objectif c'est du pur hasard. Une nuit les bombes sont tombées sur le camp de prisonniers anglais faisant quarante cinq victimes et plusieurs blessés, une nuit une bombe est tombée près de notre baraque, les cloisons de bois, le toit, les armoires avaient été soufflés, il fallut rechercher aux alentours les vêtements et divers effets auxquels nous tenions tant dans notre dénuement. Heureusement pas de victime dans notre groupe. Une fois l'épreuve encaissée nous philosophons : "allons les gars on est toujours là !". De retour au calme nos tympans agressés ressentiront la douleur le restant de la nuit. Heureusement nous sommes jeunes et sentons bien à quelques indices que le dénouement approche.

Une anecdote plus souriante : notre petit orchestre, pour modeste qu'il soit, connaît un certain succès, certains dimanches, dans un grand hall, devant les prisonniers français, amenés là par camions et d'autres travailleurs déportés, souvent des Italiens, nous jouons les airs populaires. La musique et les paroles des chansons de Vincent Scotto ont toujours beaucoup de succès, c'est Marseille, la Provence, l'air du pays, chacun y pense. La nostalgie mais aussi la joie redonne du moral. Depuis si longtemps retenus à des milliers de kilomètres de leurs foyers, pour la plupart, le pouvoir évocateur d'une chanson, d'un air de musique familier apportent beaucoup de baume au cœur.

Un certain samedi soir le directeur polonais d'une petite usine située à trente kilomètres environ nous demande de faire une soirée dans son usine, les autorités allemandes donnent leur accord, naturellement nous ne demandons pas mieux. Un camion du camp nos conduira avec les instruments à l'endroit convenu et nous ramènera. Une estrade a été installée dans un grand réfectoire, l'accueil est sympathique et nous commençons à jouer. L'usine occupe une majorité de Polonais qui visiblement commencent à sentir des fourmis dans les jambes, mais pas question de danser, tous les bals sont interdits depuis plus de quatre ans, non seulement n Allemagne mais dans tous les pays occupés, des bals clandestins existent mais sont sévèrement réprimés, tolérer les bals serait une insulte aux soldats du troisième Reich et laisserait le champ libre à tous les excès. L'ordre moral impose l'austérité jusqu'à la victoire finale. Mais un groupe de jeunes filles délurées entoure le directeur lui réclamant de lever l'interdiction, le harcelant de telle façon qu'il finit par capituler, il prenait la responsabilité d'autoriser la dans jusqu'à minuit, quels cris de joie, les tables et chaises sont vivement rangées dans un angle de la salle et place au bal. Cette fois ce sont nous, les musiciens, qui furent bientôt à bout de souffle. Ce directeur prévoyant, sentait bien qu'un vent nouveau annonçait d'autres temps (il avait eu, au poste qu'il occupait, des complaisances coupables avec les Nazis, le moment lui semblait opportun de faire des concessions), qu'il fallait préserver l'avenir et prendre quelques distances avec le système autoritaire vacillant.

A la différence de mon chef d'équipe Piéroné, ce Polonais mieux avisé, plus réaliste, s'adaptait à la situation face au mouvement de l'histoire. Fatigués, mais très heureux de cette soirée endiablée (ce qui est interdit, c'est bien connu, est toujours motivant), il fallut promettre de revenir, ce que nous aurions fait volontiers, mais l'accélération des événements ne permit pas de tenir la promesse : à cent kilomètres, à l'est, les bruits sourds de l'artillerie de l'Armée Rouge augurait de prochains mouvements sur le front.

Un camarade français, infirmier à l'hôpital du camp m'informe de besoin urgent de personnel face au nombre croissant de malades et blessés, je fais une démarche près du directeur, j'insiste sur ma formation professionnelle de prothésiste dentaire (mécanicien dentiste, c'est la mention qui figure sur ma carte d'identité que je lui présente), il m'embauche comme aide-infirmier.

L'hôpital du camp de Blechhammer se compose d'un ensemble de baraques surélevées sans étage, il y a un modeste bloc opératoire, environ deux cents malades, les salles de soin. Au sous-sol les services, la cuisine, l'économat, la buanderie, les chaudières (confort appréciable le chauffage central est partout et comme nous sommes en novembre 1944 le froid se fait sentir). Enfin, à vingt mètres des installations se trouve un solide bunker bien bétonné, l'abri réservé à l'hôpital, le transport sur des brancards des malades impotents dans la précipitation des alertes aériennes nous causait toujours de sérieuses difficultés mais nous mettions un point d'honneur à sécuriser tout le monde. Je loge toujours avec mes camarades de l'orchestre, je mange à l'hôpital où 'ordinaire est sensiblement amélioré.

Depuis le début de l'hiver, les bombardements, deux à trois fois chaque semaine, redoublent de violence sur l'usine et les alentours avec le progrès d'une perversité absolue : les bombes à retardement. Aux bombes classiques à l'explosion immédiate s'ajoutaient ces bombes équipées d'un système d'horlogerie au déclenchement imprévisible. En présence d'un engin suspect des militaires installaient un périmètre de sécurité, alors se posait la question de neutraliser la bombe enfouie, selon le sol, à un mètre ou trois parfois, il fallait dans ces conditions creuser autour avec précaution, éviter les chocs et avec un palan ou une grue aller la faire exploser en lieu sûr. Mais qui allait faire ce travail périlleux ? Les SS et les gardiens du camp de concentration d'Auschwitz proche ont bien vite trouvé la solution : nous voyions arriver sur les lieux critiques, les déportés en costumes rayés chargés de la dangereuse besogne, il leur aurait été promis la libération s'ils neutralisaient la bombe. Plusieurs engins ont été évacués ainsi sans accident, mais il suffisait d'un geste maladroit, un léger choc et tout sautait, l'homme déchiqueté était projeté à plusieurs mètres.

Le samedi 30 décembre 1944, un bombardement américain touche le Wiesenlager, note camp, il y a plusieurs victimes, notre baraque est toute disjointe et il fait très froid. Le 31, nous ferons quand même réveillon, avec de trésors d'ingéniosité nous faisons des frites, un vrai festin assez joyeux, les armées soviétiques ont lancé une offensive et seraient à soixante kilomètres, nous sommes stimulés par l'espor d'une libération que nous sentons proche, mais comment ? dans quelles conditions ces événements vont-ils se dérouler ?

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Commentaires
F
Mon père a été envoyé au camp de Heydebreck au STO d'octobre 1942 à juin 1943. J'ai ses mémoires de guerre, qui décrivent très précisément et techniquement certains aspects du camp. le 6 novembre 2023:
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P
Bonjour,<br /> <br /> Avant tout, je voudrais vous remercier tous pour ces témoignages.<br /> <br /> <br /> <br /> Je suis actuellement en cours de rédaction de mon Mémoire de Maîtrise portant sur le parcours de déportation de mon arrière-grand-père, résistant haut-savoyard ayant été (notamment) déporté à Heydebreck.<br /> <br /> Je tente actuellement de reconstituer son parcours de déportation, mais aussi l'évacuation du camp d'Heydebreck. Au vu du peu d'informations sur cet endroit dans la littérature secondaire, toutes les informations que j'ai pu lire ici me sont utiles!<br /> <br /> <br /> <br /> Aussi, si vous en détenez d'autres, et/ou que les résultats de mes recherches vous intéressent, vous pouvez me contacter par mail: dufour.pauline@outlook.fr
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R
Bonjour! Nous sommes le 26/03/2020, j'arrive bien tard après tous vos témoignages précieux. Mon arrière-grand-père Fernand Lafont (originaire du Vaucluse) a été fait prisonnier en début de guerre à Semur-en-Auxois, est apparemment arrivé à Blechhammer dans une section entre français. Il est rentré en France après la guerre et a vécu jusqu'en 1979, mais personne dans ma famille ne peut m'en dire plus, tous pensaient qu'il était détaché dans une ferme pour du travail en Allemagne (effectivement, Kedzierzyn était allemande à cette période...), j'ai retrouvé des photos, au dos, "Heydebreck" était inscrit. Je continue mes recherches... si quelqu'un désire une photo (je ne pense pas arriver à en poster une ici?) voici mon email: renaudgigord@laposte.net
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P
Je vous livre une partie du témoignage de Marcel VINCKE, prisonnier de guerre belge qui a séjourné à Graudenz et ensuite est envoyé à Heydebreck. Ce témoignage est recueilli par Pascal VAN DEN BROECK. <br /> <br /> <br /> <br /> Notre départ de Graudenz, <br /> <br /> <br /> <br /> La forteresse est surpeuplée et des camps disciplinaires annexes sont créés pour « exploiter » et utiliser cette main-d’oeuvre bon marché. Nous devons continuer à purger notre peine dans un camp. Nous quittons la forteresse avec un groupe de peut-être une quarantaine de condamnés. Charles, Edouard sont aussi du convoi. <br /> <br /> <br /> <br /> Nous embarquons dans des camions équipés de bancs. Vu le nombre, nous sommes serrés comme des sardines, mais au moins nous sommes assis.<br /> <br /> Impossible de donner la date exact : l’Italie était sur le point d’être libérée. Nous sommes heureux de cette nouvelle défaite de l’armée allemande. <br /> <br /> <br /> <br /> Nous devions être au mois de mai 1944. Je me souviens très bien que dans un des camions qui nous conduit à la gare, l’information nous est donnée ; telle une traînée de poudre, l’annonce de cette déconfiture se répand. Nous sommes euphoriques ! Pour fêter cette bonne nouvelle, nous clamons notre joie et entonnons des chants rappelant l’Italie. Les opportunités de saper le moral des boches deviennent de plus en plus fréquentes. Naïvement, nous imaginons, ou plutôt espérons que cette défaite va mettre un terme à la guerre, dans un avenir relativement proche. Nous y allons tous, de ces pensées de libérations qui pourraient se profiler, notre imaginaire nous projette dans l’avenir, vers notre famille, restée au pays. Bientôt, nous allons les revoir, les serrer dans nos bras. Notre déception n’a été que plus grande par la suite.<br /> <br /> <br /> <br /> Nous descendons à la gare de Graudenz, encadrés par des sentinelles en rang serré. Nous savons que nous prenons la direction d’un camp disciplinaire situé à Heydebreck, que ce sera aussi très difficile, mais sans aucune autre précision.<br /> <br /> Les « bouteillons », comme disent les Français, ou les « canards » vont bon train. Pour certains, rien ne va changer, pour d’autres, au contraire cette nouvelle destination sera pire que l’enfer. Enfin pratiquement, nous savons que nous serons de toute façon dans un camp disciplinaire, donc, … pas d’illusions à avoir! Sans regrets, nous quittons les bords de la Vistule, ses vents glacés et cette sinistre forteresse.<br /> <br /> <br /> <br /> Traversée en terre polonaise.<br /> <br /> <br /> <br /> Le transfert s’effectue en train, approximativement 500 kilomètres à parcourir. Je n’ai pas de souvenir spécifique de ce voyage qui se déroule sans embûche. Notre petit groupe, Edouard FIEVET, Charles WAUTHIER et moi, restons toujours ensemble. Notre convoi est solidement surveillé par des gardes de la forteresse. Une chance pour nous, l’Alsacien est du voyage : un visage tout aussi familier, mais combien moins rassurant, le « gorille »!<br /> <br /> <br /> <br /> Au cours du périple, les commentaires et les supputations vont bon train. Nous sommes tous des prisonniers à rééduquer, comme se plaisent à nous qualifier les schleus. Bien que tous internés à Graudenz, je ne connais que peu de personnes, il y a bien quelques visages connus, mais sans plus. J’ai appris par la suite, que JANSSENS est aussi dans le train. De toute façon, nous sommes cantonnés dans nos wagons et l’heure n’est pas à la causette.<br /> <br /> <br /> <br /> La règle d’or, parler le moins possible est encore plus d’actualité, inutile de « chatouiller » nos accompagnants qui nous encadre : ils sont nombreux et peu conciliants comme de coutumes.<br /> <br /> <br /> <br /> Au terme de ce périple, nous foulons un quai assez isolé, au milieu de nulle part, en pleine forêt. A peine débarqué, l’ensemble des prisonniers, assez important, est scindé en deux groupes distincts.<br /> <br /> <br /> <br /> Charles WAUTHIER, Edouard FIEVET et moi restons groupés. Une véritable aubaine, nous ne sommes pas séparés ; c’est d’un grand réconfort dans ce contexte de désolation, ne pas se retrouver isolé.<br /> <br /> <br /> <br /> Le premier groupe est désigné pour rejoindre l’« Arbeitslager Blechhammer » tout proche. Notre détachement serpente au travers de zones boisées pour rejoindre notre nouveau camp disciplinaire, Hugoslust ou « Heydebreck O.S 4».<br /> <br /> <br /> <br /> Nous allons être employés, disons plutôt « loués », aux entreprises de ce puissant complexe industriel de l’IG Farben, que je connais déjà, pour y avoir été au début de ma captivité à Ludwigshafen. Nous sommes désignés, par escouades de travail de 100 à 200 prisonniers, pour participer à la construction de routes et d’énormes abris anti-aériens. Logés dans des baraques en bois, nous allons participer à la « protection » des industries de guerre allemande.<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne connais pas les conditions de vie à Blechhammer. Au cours de mon « séjour » j’ai cependant été désigné, avec quelques camarades, pour effectuer, durant quelques heures une corvée! Je n’en ai pas gardé de souvenir particulier, pas le temps de faire du tourisme !<br /> <br /> <br /> <br /> Edouard ne restera pas avec Charles et moi, jusqu’à la fin de la guerre. Lorsqu’il aura purgé sa peine, il nous quittera et sera réintégré dans un autre stalag, probablement le stalag XXB.<br /> <br /> <br /> <br /> Charles et moi, nous aurons la chance de toujours rester ensemble, nous soutenir et nous entraider, et ce, jusqu'au départ du camp, en janvier 1945.<br /> <br /> <br /> <br /> Historique du camp disciplinaire d’HEydebreck. <br /> <br /> <br /> <br /> Blechhammer près de Kozle, est créé en avril 1942, initialement, camp de travail pour déportés d’origine Juive. Ils ont participé à la construction d’une usine de fabrication d’essence synthétique.<br /> <br /> <br /> <br /> Blechhammer (détachement F3), est organisé en deux camps distincts sur le même site, le Bahnhofslager pour les Polonais et autres nationalités, et le « Juden lager » pour les Juifs en provenance de divers pays d’Europe : l’accès y est strictement interdit, isolement complet.<br /> <br /> <br /> <br /> En janvier 1944, le camp d’Heydebreck (détachement F2) fut créé et dépendait du complexe IG Farben de Blechhammer situé en Haute-Silésie.<br /> <br /> <br /> <br /> Un troisième camp très proche s’appelait Ehrenforst (détachement F1) : c’était un camp de triage, un « Schleusenlager.» Ces trois camps implantés à proximité les uns des autres, constituaient un réservoir de main-d’oeuvre indispensable à l’empire SS et son économie.<br /> <br /> <br /> <br /> Le 1er avril 1944, ces camps sont rattachés au camp d’Auschwitz III-Monowitz et deviennent, « Auschwitz IV » : le « Juden Lager » devient un camp de concentration. <br /> <br /> <br /> <br /> La prison de Graudenz possède plusieurs détachements extérieurs. Les prisonniers qui y sont internés sont pris en charge administrativement par le « VIII ème werkreis » et plus précisément par le stalag VIIIC de Sagan.<br /> <br /> <br /> <br /> « Heydebreck O.S 4» est un des camps d'éducation par le travail, alimenté entre autre par des prisonniers qui purgent leur peine d’internement dans la forteresse de Graudenz. Il est situé à proximité d’ Heydebreck (Actuellement Kedzierzyn.)<br /> <br /> <br /> <br /> Notre campement.<br /> <br /> <br /> <br /> Les baraques sont placées en arc de cercle : Chaque porte d’entrée est orientée vers une place centrale. En son milieu, une petite guérite occupée en permanence par une sentinelle. Toute la journée, sans interruption, elle guette tous nos faits et gestes. Impossible de lever le petit doigt sans qu’elle ne puisse le remarquer. Ces gardes sont particulièrement agressifs et ne nous témoignent aucune compassion, au contraire : la moindre occasion de nous humilier, de nous déshumaniser et de nous affaiblir est exploitée. <br /> <br /> <br /> <br /> Rien ne nous est épargné ! Derrière cette place centrale, trônent les toilettes : un tronc d’arbre et une fosse. Au-dessus, une toiture sommaire sans cloison, en plein vent.<br /> <br /> Il est bon de rappeler, que ce petit paradis se trouve en Haute Silésie, sous un climat particulièrement rude et froid.<br /> <br /> A l’opposé de la porte d’entrée des baraques, une fenêtre. Elle donne sur des terrains marécageux, situés derrière les barbelés. Toutes les « cellules » sont pourvues de fenêtres latérales aussi grillagées. La nuit tombée, C’est au travers de celles-ci, qu’avec de grands bras, et de l’expérience, s’organise, de cellules à cellules, des échanges et des trafics en tout genre.<br /> <br /> <br /> <br /> La journée, les portes doivent toujours êtres grandes ouvertes. La nuit, c’est à double tour que nous y sommes consignés.<br /> <br /> <br /> <br /> Nous sommes logés avec une quinzaine de compagnon. L’espace représente tout au plus une 20 m². Au sein de la nôtre, principalement des Belges et un Français.<br /> <br /> Pour couchage, des châlits superposés, en planches, une paillasse, une couverture. Le tout envahi par des légions de punaises et de puces.<br /> <br /> <br /> <br /> Le chauffage est assuré par un poêle assez rudimentaire. Durant les périodes de gel intense, nous recevons deux briquettes de charbon pour l’alimenter : c’est totalement insuffisant ; pour bénéficier d’un rabiot de chaleur, indispensable, nous brûlons tous ce que nous trouvons, du papier, du bois, du charbon. Au cours de nos longues journées de travail, nous guettons toutes les opportunités pour subtiliser un peu de combustible, mais nous le verrons plus tard, avec à chaque fois une prise de risque conséquente.<br /> <br /> <br /> <br /> Au cours de l’été, nous avons aménagé une cachette dans ce poêle. Une plaque posée adroitement à l’intérieur, dans le fond, nous procure un espace discret. Sur ce double fond, nous déposons quelques bricoles, des pommes de terre : les trésors eux, sont dissimulés au sein de cet espace, en dessous. Je sais que pendant un certain temps, une radio y est même restée cachée. Lors des nombreuses fouilles, satisfaits d’avoir trouvé quelques bricoles, les sentinelles, fières d’avoir pu nous confisquer ces broutilles, n’investiguent pas davantage.<br /> <br /> Cette cachette est aussi notre réserve de nourriture. Lorsque l’un de nous réussit à escamoter de la nourriture, c’est là que nous la planquons avant de la déguster la nuit tombée.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans la baraque, toutes les caches possibles sont exploitées : les faux plafonds constituent de nombreux espaces pour « ranger » la nourriture, mais également tous nos petits trésors qui peuvent constituer une monnaie d’échange afin d’assurer notre survie dans ce milieu particulièrement hostile.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce témoignage se poursuit et Marcel explique la vie dans ce camp de misère. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour d'autres échanges, n'hésitez pas à me contacter: pascal.vdb@yucom.be
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A
mon oncle eloi puech a ete deporte en juin 44 au camp de blechammer ( heydebrek) il m a raconte les bombardements et la vie au camp s etait inimaginable
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