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Pense bête
23 mai 2013

Mon premier licenciement (1)

Nous y sommes, je l’ai appris mercredi après-midi. Un de mes collègues a reçu mercredi midi une lettre en main propre, contre décharge : « notre société envisage de procéder à votre licenciement ». Sinistre ce « notre société », non personnifié, surtout pas personnifié, cette entité floue et sans corps qui pense, réfléchit et prend de si terribles décisions.

Guillaume a 10 ans d’ancienneté dans la boîte. Discret, certains le croiseraient et se moqueraient : il arpente les couloirs en regardant droit devant lui, l’air un peu absent. Ses pantalons sont toujours trop courts, laissant apparaître ses mollets. Je le connais peu. Je n’ai jamais eu affaire à lui dans mon travail. Mais j’ai souvent eu des conversations littéraires avec lui dans le bus en venant au boulot. Il est cultivé et bavard quand il se met à parler bouquins et histoire.

Pour lui, rien ne laissait présager cela. Qu’est ce qui peut nous passer dans la tête à l’annonce d’une telle nouvelle ? Comment réagit-on au moment d’un tel choc ?

Pour moi, j’ai encore en tête la réponse de la Direction en avril dernier : « non, aucune provision de licenciement n’est prévue pour l’année à venir ».

Dès mercredi après-midi, il est venu nous consulter, en tant que Délégués du Personnel. Nous lui avons proposé les services de notre avocat. Nous tentons de le faire parler, de comprendre. Il n'a jamais reçu d'avertissement, des remarques parfois de son chef mais rien de bien précis. Ses évaluations des trois dernières années montrent un salarié relativement quelconque, avec de réussites et des échecs. Rien de bien extraordianire. Et la lettre qu'il a reçue n'est pas explicite du tout : aucun motif n'y est présenté. Cause réelle et sérieuse, licenciement économique, sanction disciplinaire ? Rien ne le précise.

Décision est prise de l'assister lors de son entretien préalable à licenciement qui a lieu mercredi prochain. C'est moi qui m'y collerai. On prend rendez-vous avec l'avocat qui accepte de nous recevoir vendredi après-midi.

On s'échange nos coordonnées, personnelles et pas professionnelles. On ne sait pas jusqu'à quand il aura accès à sa boîte mail et mes outils professionnels ne sont pas censés servir à autre chose qu'au travail. Je rentre chez moi.

Je me jette sur Internet et je me renseigne. Quel va être mon rôle pendant cet entretien ? Comment puis-je être utile et l'assister au mieux ? Je ne peux pas dire qu'Internet m'est d'une grande utilité. Je sors rejoindre des amis mais je suis absent. Je ne peux m'empêcher de penser à la resposabilité qui m'incombe, à ce qui l'attend, à ce qui nous attend. Résultat : je me rends à un mauvais lieu de rendez-vous. Je dois faire demi-tour mais je rate mon arrêt de métro. Se changer les idées fait quand même du bien. En rentrant chez moi je m'aperçois que j'ai un appel en absence et un message sur mon répondeur. C'était Guillaume. J'ai raté son appel et je culpabilise.

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