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Pense bête
13 septembre 2010

La valeur «travail» est toujours en danger

Cette année, pas moins de 120.000 étrangers sont venus travailler, dans les champs, pour les moissons, ou dans les vignes, pour les vendanges. Pôle emploi a tenté de proposer ces «jobs saisonniers» aux allocataires du RSA. Avec un succès mitigé. Les vendanges, qui permettent de gagner près de 700 euros en l'espace de dix jours, constituent, il est vrai, un travail difficile et fatigant. Mais doit-on, pour ce seul motif, renoncer à un travail saisonnier? Surtout lorsque certains départements organisent gratuitement une conduite par car, dans les vignobles, pour le seul bénéfice des allocataires du RSA.

Cet exemple des vendanges n'est pas seulement d'actualité. Il est symbolique d'une société française pour laquelle le travail est devenu synonyme de pénibilité, de douleur, voire de harcèlement, et où l'assistanat constitue une solution de repli bien plus confortable. Mettons-nous à la place d'un jeune qui lit la presse et regarde la télévision ou Internet. En l'espace d'une semaine, il a compris que l'un des problèmes de la réforme des retraites, c'était le sort réservé à ceux qui ont fait un travail pénible. Puis on lui a expliqué que cinq salariés français de France Télécom s'étaient donné la mort depuis la fin des vacances. Et même si le suicide reste un mystère personnel, les syndicats n'ont pas hésité à faire le lien entre les conditions de travail de ces collaborateurs et leur envie d'en terminer.

Résultat: n'importe quel esprit finit par se dire qu'en France mieux vaut être étudiant, allocataire, retraité ou rentier, plutôt que de se lever tôt et de fréquenter ce drôle de monde du travail. Et quand une jeune fonctionnaire du conseil régional d'Aquitaine décrit dans un livre, la manière dont ses collègues de bureau s'y prennent pour travailler le moins possible, ce qui lui vaut une sanction, on finit par se demander si Mai 68 n'a pas totalement détruit les valeurs de base de notre société, qui restent, qu'on le veuille ou non: le sens de l'effort et le travail bien fait.

«L'oisiveté est comme la rouille»

Benjamin Franklin avait écrit, lorsqu'il était ambassadeur à Paris: «l'oisiveté est comme la rouille, elle use plus que le travail.» C'est une évidence que même des philosophes comme Hegel, puis Marx, ou Marcuse, ont très bien mis en exergue. Le travail, quel qu'il soit, reste un épanouissement et non une servitude. Sinon pourquoi les femmes se seraient-elles tant battues afin de pouvoir travailler, elles aussi, à l'égal de leur conjoint.

Il y a donc en France plusieurs vers dans le fruit, qui ont tous conduit à dévaloriser le travail. Le premier, c'est cette utopie de Mai 68 qui a nourri de son lait ces bébés socialistes qui se sont hissés au pouvoir en mai 1981. Une des premières mesures de François Mitterrand ne fût-elle pas d'instaurer un ministère du Temps libre? Funeste souvenir qui répondait en écho au graffiti retrouvé au Métro Duroc pendant les grèves de Mai 68: «Cours connard! Ton patron t'attend.» On mesure dans ce slogan le mépris d'une société pour le travail, et ceux qui en respectent les codes.

Le deuxième ver, c'est cette politique d'assistanat qui a construit un monstre aujourd'hui mort-vivant, croulant sous les dettes: l'État-providence. Ce sont toutes ces allocations diverses et variées, qui répondent davantage du clientélisme que de la cohésion sociale. Chacun de nous connaît dans son village ou son quartier, au moins cinq ou six personnes sans-emploi qui ne cherchent pas de travail, parce que toutes les allocations cumulées leur apportent plus qu'un smic, et qu'ils n'ont pas à faire sonner leur réveil à six heures du matin.

Le troisième ver dans le fruit, c'est un monde du travail, toujours très hiérarchisé, peu collaboratif, et qui ne correspond plus à une société de services comme la nôtre. Regardons comment se vit le travail en Europe du Nord, même en Grande-Bretagne, où il est devenu normal d'être salarié tout en restant à domicile. Seule la création, par Hervé Novelli, du statut d'auto-entrepreneur s'inscrit dans ce sens moderniste, et constitue une vraie révolution.

Pendant sa campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy a lu de très beaux discours sur la nécessité de revaloriser le travail, de remettre le mérite au cœur des valeurs de notre société. En dépit de la meilleure volonté du monde, il n'a pas réussi dans ce domaine à faire bouger les mentalités. La responsabilité ne lui incombe pas totalement, même s'il a eu la faiblesse, au nom de l'ouverture, de laisser Martin Hirsch, faire et dire n'importe quoi, et de ne pas s'attaquer à ce modèle-social-français-que-tout-le-monde-nous-envie. En 2012, il ne lui faudra pas seulement parler sécurité, mais aussi travail et mérite. Pourquoi pas en faisant appel, cette fois-ci, à Baudelaire qui écrivait: «À chaque minute nous sommes écrasés par l'idée du temps. Et il n'y a que deux moyens pour échapper à ce cauchemar: le plaisir et le travail. Le plaisir nous use. Le travail nous fortifie.» Alors choisissons !

Yves de Kerdrel, 13 septembre 2010


Il est très très fort : http://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2012/02/27/10001-20120227ARTFIG00522-il-ne-faut-pas-confondre-les-riches-et-les-profiteurs.php 

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