A chaque jour son fumigène

Je vais enfoncer une porte ouverte (quel courage !) : la chose publique de Nicolas Sarkozy, c'est la communication, la politique d'annonces.

Ce n'est pas moi qui le dit mais les conseillers de l'Elysée : il faut trouver des fumigènes pour contenter les médias et l'opinion. Le but ? Saturer l'espace médiatique (et par la même occasion passer à côté d'un débat de fond). Cela donne l'impression d'un président qui agit. Et ça marche puisque les journaux en parlent tous.

Un fait divers = Une annonce

Et comme d'habitude, pour soutenir la mesure : l'argumentation négative. Je ne vais pas dire pourquoi je le fais, je vais dire qu'il n'y a pas de raison pour ne pas le faire. Peu importe que ça ne serve à rien, rien ne serait pire que de ne rien faire. La gesticulation plutôt que l'inaction. D'un point de vue rationnel, ça se discute (l'inutile et l'inefficace ont un coût supérieur à l'inaction pour un résultat similaire) ; du point de vue politique, il n'y a pas photo : ça marche (une opinion publique bien contente).

Quelques exemples de fumigènes de Notre Président :

• La TVA sociale

Eric Besson (auteur socialiste de l'Inquiétante rupture tranquille de Nicolas Sarkozy et futur présumé ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire) en avait la charge fut un temps... puis plus rien.

• La politique de civilisation

Pour la nouvelle année 2008, il fallait trouver une nouvelle idée. C'est là qu'est intervenu la politique de civilisation (empruntée à Edgar Morin). S'y inscrivent pêle-mêle : "l’école et la ville du XXIème siècle", "le souci de l’intégration, de la diversité, de la justice, des droits de l’Homme, de l’environnement", "le goût de l’aventure et du risque, le sens de la responsabilité en même temps que celui du respect et de la solidarité", la moralisation du "capitalisme financier".

"Il ne s’agit pas de faire des discours - on en a tant fait - il s’agit d’agir pour obtenir des résultats."

Il en remettait une couche à sa grande conférence de presse de la rentrée (24 occurrences dans le verbatim de cette conférence).

• La lecture de la lettre de Guy Moquet

Le 16 mai 2007, Nicolas Sarkozy fraichement élu annonce :

"Ma première décision de président de la République sera de demander au futur ministre de l'Education Nationale que cette lettre soit lue en début d'année à tous les lycéens de France"

• Le parrainage d'un enfant victime de la Shoah par un enfant de CM2

Annoncé au dîner du CRIF le 13 février 2008, le projet est vivement critiqué par Simone Veil puis finalement abandonné.

• Des médailles pour les bacheliers et un code de la paix scolaire

Xavier Darcos est un des meilleurs élèves de Notre Président. Il fait ainsi successivement en septembre 2008 deux annonces destinées uniquement à occuper l'espace.

• L'accueil des enfants les jours de grève

L'idée se révèle finalement irréalisable et oblige Nicolas Sarkozy à un rétropédalage à la conférence des maires.

• La réforme de l'audiovisuel public

Un fumigène en deux temps, celui-ci : tout d'abord l'annonce de la suppression de la publicité, puis la nomination du Président de France qui voit monter une levée de boucliers et une dénonciation d'un retour à l'ORTF.

Toutes ces annoncent ont filé directement au cimetière des fumigènes sarkozystes (sauf la réforme audiovisuelle, non sans difficulté).

• Et pour cette nouvelle année :

La nouvelle lubie est d'empêcher les mineurs incendiaires de voiture de passer le permis,

"avec à la clef, un (vague) projet, à l'effet dissuasif nul, dont la réalisation promet d'être difficile et coûteuse, pour un résultat qui sera forcément inefficace car ne frappant qu'une toute petite partie des personnes concernées. Mais une opinion publique bien contente."

De ce point de vue, 2009 s'inscrit pleinement dans la continuité.